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Article paru dans la Gazette des armes n° 497 de mai 2017

Un nouveau décret pour améliorer l’autre

dimanche 14 mai 2017, par Jean-Jacques BUIGNE membre du CA de la FPVA


Le décret du 30 juillet 2013 vient d’être retouché par un décret publié au JO du 10 mai. Il s’agit de retoucher des imperfections reconnues.
Pour plus tard, il restera la mise en place de la Carte du Collectionneur et la transposition en droit français de la nouvelle Directive Européenne, lorsque celle-ci aura été votée.


Ce n’est un secret pour personne que le fichier AGRIPPA arrive en fin de vie. Trop compliqué pour les préfectures, il comporte de nombreuses failles : mauvais classement de certaines fiches, doublons, déclarations non enregistrées, etc. Cela fait longtemps que l’on parle d’une réforme et il devenait urgent d’appliquer de façon efficace les dispositions du protocole de Vienne [1] qui oblige les états à appliquer aux armes un marquage [2] d’identification qui combine le nom du fabricant, le pays, le lieu de fabrication et le numéro de série. Mais il convient également que l’enregistrement de ces données permette une identification parfaite. Pour y parvenir le nouveau décret présente un double volet :
- un enregistrement a priori,
- la réforme du fichier.

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Ce document difficile à remplir deviendra petit à petit un mauvais souvenir avec la « dématérialisation » numérique des déclarations. Pour voir le document en grand.

Etat des lieux

Jusqu’à présent l’enregistrement des armes s’effectuait a posteriori (c’est à dire après la vente). L’enregistrement était effectué par le vendeur sur un imprimé CERFA, qui était transmis aux services préfectoraux, pour que ces derniers en saisissent les informations dans le fichier AGRIPPA et enregistrent l’arme au nom du nouveau propriétaire. Le CERFA était mal adapté à cette tâche : pas toujours lisible pour les préfectures, du fait du manque de place et de son inintelligibilité pour le déclarant moyen. C’est ainsi que des armes ont été enregistrées sous le nom de « Safety » ou « Warning », ce qui est plutôt pittoresque. Par ailleurs, les mutations entre les différents propriétaires n’ont pas été toujours bien enregistrées, créant ainsi plusieurs propriétaires pour la même arme ou enregistrant deux fois la même arme au nom de la même personne. Le summum de la confusion survenait lorsque, pour un modèle donné, il pouvait y avoir plusieurs armes portant le même numéro comme cela a pu être le cas pour les pistolets Colt modèle 1911 ou les fusils Mauser.

Enregistrer a priori

Le décret à sortir prévoit que les armes seront déjà enregistrées en « amont ». L’armurier n’aurait plus qu’à attribuer l’arme à son nouveau propriétaire. Ainsi, cela permettrait d’éviter les confusions qu’engendrait jusqu’ici la saisie d’un simple numéro. En plus du matricule, ce nouvel « encodage » additionnerait plusieurs caractéristiques de l’arme (voir encadré ci-contre). Cette combinaison d’éléments empêcherait tout doublon. Cet identifiant intangible et unique garantirait le suivi administratif de l’arme, un peu comme un véhicule automobile. Par exemple : au lieu d’enregistrer la déclaration d’un pistolet Colt N°515656 comme c’est actuellement le cas, le futur dispositif entrerait en mémoire un pistolet Colt modèle 1911A1 de fabrication Remington N°515656 de calibre.45. Voir article.
Au préalable, l’arme aurait été suivie avec précision au cours des différentes étapes qu’elle aurait franchies : son épreuve dans un banc CIP, son passage entre le grossiste, le détaillant, le détenteur final et au final, les transferts entre particuliers. Avec cette traçabilité, ce ne serait plus le détenteur qui aurait l’arme, mais cette dernière qui serait détenue par un détenteur. Rassurez-vous, ce système n’est prévu que pour les armes soumises à autorisation, déclaration et enregistrement (catégories B, C et D1). Il est bien entendu que les différentes armes de catégorie D2 ne seront pas concernées.

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Agrippa est un général et homme politique romain du 1er siècle avant J.-C. Excellent diplomate, il met fin aux guerres civiles.

Et les fiches déjà saisies dans AGRIPPA ?

Il ne sera pas question de reprendre le stock qui compose les quelques 5 millions de fiches AGRIPPA. Mais simplement d’enregistrer les armes nouvellement fabriquées, introduites ou vendues en France. L’ancien fichier s’épuisera de lui-même avec les renouvellements tous les 5 ans pour les armes de catégorie B ou les mutations d’armes de la catégorie C et D1. On peut comprendre que l’ancien fichier perdurera encore longtemps. Il « maigrira » au fil du temps pour s’éteindre un jour lointain...

Un fichier de bonne tenue

Ce sont les armuriers qui vont nourrir le nouveau fichier sous forme dématérialisée par Internet, comme le font les vendeurs d’automobiles pour les cartes grises. Et les préfectures enverront toutes les demandes de mutation au tout nouveau SCA (Service Central des Armes). Elles seront vérifiées et éventuellement corrigées par des spécialistes pour que le nouveau fichier soit parfait.
Le principe des transactions entre particuliers reste admis. Ce sont ces derniers, lorsqu’ils sont vendeurs, qui auront à faire la déclaration de mutation, comme c’est déjà le cas aujourd’hui.

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Désormais, c’est le Banc d’Epreuve de St-Etienne qui devient la plaque tournante technique pour toutes les armes. Epreuve, dédouanement, expertises, etc…

Le Banc d’Epreuve de St-Étienne

Cet organisme, géré administrativement par la Chambre de Commerce de St-Étienne, va jouer un rôle majeur dans le nouveau système. Il va reprendre l’ensemble des attributions de l’ETBS de Bourges qui était le service expert de la défense. Il aura notamment comme mission :
- de centraliser le dédouanement des armes de collection venant des pays tiers à l’UE,
- de vérifier la conformité des répliques pour le classement en catégorie D2 § f),
- et de façon générale, de fixer le classement des armes dans l’une des 4 catégories et leurs différents paragraphes. Ce classement devra s’effectuer « préalablement à la mise sur le marché », c’est-à-dire que la question du classement devra être soumise au Banc, avant toute importation ou transfert. Dans la pratique ce sera en même temps que l’épreuve. Certains professionnels craignent que ce classement prenne trop de temps et soit nuisible aux opérations de commerce. Mais cette formule leur évitera par ailleurs de se retrouver avec un stock d’armes importées interdites à la vente, si le classement n’est pas celui qu’il avait prévu. Cette évolution devrait donc donner une sécurité juridique accrue aux opérations d’importation.

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C’est désormais le Ministère de l’Intérieur qui reprend toutes les attributions qu’avait le Ministère de la Défense sur la règlementation des armes civiles. Après ce transfert de compétence, le Ministère de la Défense ne conserve que la gestion des armes militaires, notamment les armes de catégorie A2.
Nous avions pris l’habitude d’aller rue des Saussaies ainsi qu’au Ministère de la Défense Bld St Germain. Désormais toutes les compétences sont réunies au SCA de Nanterre.

Il est évident que les armes déjà éprouvées dans un autre banc du CIP n’auront qu’à être identifiées par le listing des matricules et leurs caractéristiques techniques.
Des experts du SCA seront positionnés au Banc d’Epreuve. Pour le moment, les modalités de fonctionnement de ces opérations de classement ne sont pas encore fixées. Mais il est promis que ces experts officiels feront largement appel aux divers spécialistes des matériels en cas d’incertitude dans le classement dans l’une des catégories.

Les nouveautés du décret

Sans bouleverser profondément le paysage de la règlementation des armes, ce nouveau texte va le modifier en partie.
- Notamment l’autorisation d’acquisition sera désormais valable 6 mois après son émission et non plus 3 mois. Cela laisse plus le temps de se retourner.
- L’autorisation de détention valait jusqu’alors autorisation d’acquisition de 1000 cartouches par arme. Le quota va passer à 2000 sur une année glissante mais la possibilité de recomplèter est supprimée. Ainsi ceux qui « consomment » plus de 2000 munitions devront les recharger.
Quant aux clubs de tir, ils pourront acquérir annuellement jusqu’à 10000 cartouches par arme en fonction du nombre d’armes détenues. Mais leur stock, à un instant donné, ne devra pas dépasser 1000 ou 3000 selon leur quantité d’armes détenues. Il leur faudra donc reconstituer le stock fréquemment.

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Les locaux du SCA se trouvent dans la préfecture de Nanterre, très facile d’accès par le RER. Ayant repris les anciens locaux de la Banque de France, l’atmosphère est toute appropriée à la sécurité du sujet.


- Il sera expressément prévu que les présidents d’associations sportives seront autorisés à conserver à leur domicile les armes du club. Et pourront en transporter au maximum 5 à la fois entre leur domicile et le club.
- dans les définitions des armes à blanc et des armes de signalisation, l’expression « sans recourir à un procédé industriel » est désormais supprimée. Jusqu’ici, lorsqu’un détenteur était poursuivi pour une arme à blanc du genre slovaque par exemple, le tribunal relaxait l’intéressé, parce qu’il était prouvé que la transformation en une arme de tir à balles réelles nécessitait de l’outillage spécifique. Dans la pratique cela exclut les armes réelles transformées à blanc a posteriori, pour ne laisser libres que les armes conçues dès l’origine pour le tir à blanc. Nous présumons qu’il sera toujours dit par les tribunaux et l’administration que si une arme a été transformée, elle sera retransformable en état de tir.
- L’arme "de spectacle" restera classée dans sa catégorie d’origine, même dans le cas où elle ne peut effectuer que du tir à blanc. Il faudra attendre l’arrêté d’application pour comprendre comment tout cela va fonctionner.
- Une arme d’épaule alimentée par bande, quelle que soit sa capacité, deviendra une arme interdite comme celle qui tire plus de 31 coups. Le but est d’interdire la conversion des mitrailleuses en arme de catégorie B.
- La volonté du texte est également d’interdire la location d’armes de catégorie A pour des séances de tir en stand.

Voir les textes modifiés :
- Décret du 30 juillet 2013 modifié,
- Arrêté du 7 septembre 1995 modifié,
- Arrêté du 2 septembre 2013 sur le classement des munitions,
- Code de la Sécurité Intérieure partie règlementaire (naviguer bloc par bloc).

Voir aussi Gazette des armes de mai 2017.





[1Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions. Assemblée générale de l’ONU, 55 ème session.

[2Le marquage :
En plus des poinçons d’épreuve, les armes à feu feront l’objet, lors de leur fabrication, d’un marquage lisible sans démontage. Il comportera : l’indication du fabricant, du pays ou du lieu de fabrication, de l’année de fabrication, du modèle, du calibre et du numéro de série.
Que les collectionneurs se rassurent, cela ne concerne pas les armes de catégorie D2. Mais uniquement les armes des autres catégories nouvellement fabriquées.

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