Gazette des armes n° 437, décembre 2011

Scandale : destruction d’armes anciennes à Lyon

jeudi 24 novembre 2011, par Jean-Jacques BUIGNE membre du CA de la FPVA

Dans la Gazette des Armes nous avions rapporté un « incident » qui arrive fréquemment : un paisible collectionneur de Lyon victime d’un malaise est dénoncé par les pompiers parce qu’il collectionne les armes anciennes. En son absence, perquisition, bouclage du quartier, déminage. Bref la totale. Des armes réellement anciennes sont confisquées et une vidéo de FR3 montre comment ces « biens culturels » sont « malmenés » lors du chargement.

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Dans le quartier de Perrache, on n’a pas oublié le bouclage de la rue Duhamel le 8 septembre dernier, la mobilisation des forces de l’ordre et des démineurs, la saisie de cet incroyable arsenal stocké depuis cinquante ans sous les toits et l’image du père Ferras hospitalisé. « Cette opération était grotesque, » bougonne le voisin de l’octogénaire, Pierre Giono. « Pitoyable », renchérit le colonel Dumas. Par mesure de sécurité, la police sous l’autorité du préfet avait pendant deux jours, évacué 250 armes et explosifs, la plupart non neutralisés officiellement, entreposés dans le minuscule appartement de la rue Duhamel. Des fusils d’assaut, d’autres très rares ayant été utilisés sous Louis XVI… Un vrai trésor de guerre découvert par les pompiers après un malaise cardiaque de l’occupant des lieux. (DL 7/11/11)

L’affaire a fait grand bruit dans la région lyonnaise, car le « papy collectionneur » est un personnage connu, aimé et respecté dans son quartier. La presse régionale a bien couvert l’événement et de nombreux articles sont parus dans le Progrès de Lyon et repris par le Dauphiné qui fait partie du même groupe de presse, donc « tout le monde sait ! »

Le progrès nous apprend qu’une toute petite partie de la collection saisie est allée rejoindre le Musée d’Histoire Militaire de Lyon. Notamment un Lebel et un FSA 1917. Les bénévoles ont dit aux journalistes « Dès qu’on a eu connaissance de l’existence de ces armes, on s’est positionnés pour pouvoir les récupérer et les sauver de la destruction. Nous défendons le patrimoine de la France ; certaines pièces de la collection de M. Ferras ont une valeur inestimable ».

Au départ, les autorités avaient craint la présence d’un dépôt d’armes à haut risque, mais elles ont vite compris qu’il s’agissait d’une collection inoffensive, patiemment édifiée par René Ferras. Un passionné, de 81 ans, qui a tapissé ses murs, de tant d’autres objets chargés d’histoire, des marionnettes, des machines à sous, des soldats en porcelaine…

Inutile de dire qu’aujourd’hui il est effondré, cela va au-delà de l’écoeurement.

Destruction

La justice a décidé que la presque totalité des armes sera rapidement « découpée et broyée » par une entreprise spécialisée. Cette décision du procureur constitue à ses yeux « une sanction suffisante ». Il est légitime de se poser une question : pourquoi une telle précipitation ? Peut être qu’un expert judiciaire aurait pu faire le tri entre ce qui est armes de collection et ce qui ne l’est pas ?

Nous avions relaté dans la Gazette(1) que les greffes étaient encombrés et qu’une récente note ordonne [1] faire procéder aux destructions par des entreprises privées. Dans le cas de l’affaire lyonnaise, nous venons de protester solennellement auprès du Procureur de Lyon contre cette destruction de biens culturels alors que, hasard du calendrier, juste au même moment, le Président de la République inaugurait à Meaux le nouveau Musée de la Grande Guerre en valorisant cette conservation du patrimoine. Nous avons écrit au Président de la République.

Une équivoque

Le collectionneur a déclaré aux journalistes : « J’ai renoncé à tout. On m’a fait signer un papier où je déclarais que j’abandonnais toute ma collection. Je voulais récupérer mes armes anciennes. On m’a lu l’inventaire mais il manquait des choses : mes lunettes de tir de la guerre de 14 ont disparu, les crickets du débarquement aussi et surtout mon fusil à silex de 1728. »

Il a accepté de signer « un papier » parce qu’on lui avait présenté un marché : abandonner sa collection ou payer la neutralisation, le déploiement des forces de l’ordre et les frais d’instruction. Le plus bizarre est que le dossier qui contenait tous ses certificats de neutralisation ainsi que celui de son inventaire ont disparu...

Cas fréquent

Depuis 35 ans que je m’occupe de règlementation des armes, j’ai souvent été informé par les victimes de ces « disparitions fortuites » qui arrivent fréquemment. Convoqué par la Commission des Lois du Sénat, le mardi 22 novembre, j’ai pu présenter cette situation aux Sénateurs à qui j’ai remis une vingtaine de tirage de cet article.

La situation la plus révoltante s’est passée dans la région d’Amiens. Lors d’une perquisition chez un collectionneur, il y a eu des saisies d’armes, certaines ont été reconnues volées sans qu’elles soient inscrites dans les PV de saisie. Le collectionneur ayant porté plainte, la justice a reconnu le vol de ces armes. [2]
Mais devant le mutisme des personnes présentes lors de la perquisition les auteurs du vol n’ont pu être clairement identifiés, il y a eu en conséquence une ordonnance de non lieu.

Voir également
Article sur les destructions d’armes dans les greffes.
Notre protestation du 8 septembre 2011 auprès du procureur de la République d’Annecy pour la destruction des armes du Musée des Trois Guerres d’Annecy Seynod.
Article : Trafic d’oeuvres d’art, une entreprise très lucrative.

[1Note du 23 décembre 2010,

[2Ordonnance de non lieu TGI Peronne du 16 mai 2004,