Reconstitution

Le port illégal d’uniforme

jeudi 9 juillet 2020, par Jean-Jacques BUIGNE membre du CA de la FPVA

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Association allemande de reconstitueurs qui défile à Verdun en novembre 2018.

Lors de leurs « sorties », les reconstitueurs sont revêtus d’uniformes, armes et décorations.
Si la règlementation des armes est connue de tous, celles des uniformes restent équivoques et les reconstitueurs ont toujours la crainte de se voir poursuivis pour port illégal.

Les uniformes et décorations allemands.

Sont interdits le « port ou l’exhibition en public d’un uniforme, insigne ou emblème rappelant ceux portés par les membres d’une organisation déclarée criminelle par le tribunal de Nuremberg (SS, la Gestapo, SD et corps des chefs nazis) ou par toute personne reconnue coupable pour crime contre l’humanité  » [1] Voir article sur le sujet.

Mais les reconstitueurs sont protégé car le Code pénal autorise ce port « pour les besoins d’un film, d’un spectacle ou d’une exposition comportant une évocation historique ».

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Reconstitueurs GI américains lors des fêtes de la libération d’Aix en Provence en 2014.

Les uniformes et décorations actuels

En droit pénal français [2], le port illégal d’uniforme est sanctionné de la manière suivante :
« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait, par toute personne, publiquement et sans droit :
1° De porter un costume, un uniforme ou une décoration réglementés par l’autorité publique ;
2° D’user d’un document justificatif, d’une qualité professionnelle ou d’un insigne réglementés par l’autorité publique ;
3° D’utiliser un véhicule dont les signes extérieurs sont identiques à ceux utilisés par les fonctionnaires de la police nationale ou les militaires ».

Et,
« Est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende le fait, par toute personne, publiquement, de porter un costume ou un uniforme, d’utiliser un véhicule, ou de faire usage d’un insigne ou d’un document présentant, avec les costumes, uniformes, véhicules, insignes ou documents distinctifs réservés aux fonctionnaires de la police nationale ou aux militaires, une ressemblance de nature à causer une méprise dans l’esprit du public… ».

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Cette photo a fait le tour du monde, ce groupe de reconstitueurs protestait contre un arrêté du préfet qui leur interdisait de porter leur fusil.

Dans la pratique :
Pour caractériser cette interdiction qui s’applique à tous, énonçons un certain nombre de notions répréhensibles, le fait :
-  de porter un costume ou un uniforme, utiliser un véhicule, faire usage d’un insigne ou de documents distinctifs réservés aux fonctionnaires de la police nationale ou aux militaires ;
-  que cet ensemble puisse causer une méprise dans l’esprit du public c’est-à-dire que l’on prenne réellement votre fonction pour celle de celui dont vous avez revêtu le costume. S’il s’agit d’un assemblage qui est facile à démasquer comme un grand guignol, il n’y aurait pas délit ;
-  que cela soit public, dans le cadre privé d’une soirée, il n’y aurait pas délit. S’il s’agit d’un évènement où l’on paye un ticket d’entrée, c’est privé !
-  que cela soit « sans droit » c’est-à-dire que cela n’advienne pas lors d’un tournage cinématographique ou d’une reconstitution dûment autorisée par un service public, etc …

Pour que la justice puisse sanctionner, il faut qu’il y ait une intention coupable. C’est-à-dire que ce soit fait pour tromper le public dans un but illégal. Si c’est une reconstitution historique avec ou sans autorisation préfectorale, il n’y a pas d’intention coupable. Par contre, il y a une circonstance aggravante, lorsque ce port a pour objet de préparer ou de faciliter la commission d’un crime ou d’un délit [3].

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Le costume ne doit pas porter à la méprise, ainsi ces soldats de 40 et résistant, sont d’une autre époque. Le préfet est bien réel.

Les tribunaux  :
De nombreuses personnes ont été condamnées parce qu’elles portaient indûment des uniformes et décorations avec la volonté de tromper le public sur leur activité, leur fonction, ou leur qualité, comme le port de la robe d’avocat ou d’uniforme de policier.

En fait, ce qui pose problème, c’est le port illégal d’uniformes, de grades et de brevets militaires ainsi que de décorations (principalement français puisque nous sommes en France), parce que c’est considéré comme une usurpation des signes de l’autorité publique.
C’est donc ici le fait de se déguiser en militaire avec un uniforme complet et de porter des grades et décorations que l’on n’a pas acquis, ou encore d’assister à des cérémonies en uniforme et avec des médailles ou d’arrêter quelqu’un dans la rue en se faisant passer pour un policier, gendarme, ou militaire …
Il est vrai qu’il est tentant parfois de s’inventer une autre vie que la sienne ...
En revanche, le simple fait d’aller dîner chez Mac Do en treillis militaire ou en uniforme d’officier de l’armée française sans les grades et sans décorations n’est pas interdit, si l’on ne tente pas de se faire passer pour un représentant de l’autorité publique.
Ouf, il nous reste encore le droit d’être excentrique !

Le salut :

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Début 2018, un collectif « Sauvons la Reconstitution Historique" s’était constitué sur Facebook, et les administrateurs avaient fait le déplacement à Strasbourg lors du festival Historia organisé par François Boselli.

Un problème reste soulevé, c’est celui du salut militaire. Il faut savoir que le salut nazi peut être poursuivi pour « apologie du nazisme » qui est réprimé par la loi [4].

Les uniformes et décorations anciennes

Dès l’instant que les uniformes, décorations ou autres accessoires ne sont plus en usage actuels, il n’y a aucune interdiction. En effet, on ne peut plus dire que cela pourrait entraîner « une méprise dans l’esprit du public. »


[2Articles 433-14 et 433-15 du Code Pénal issus de la rédaction primitive de la loi du 5 août 2013.

[4Loi n°90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, dite loi Gayssot.