article paru dans VMM N° 106

Les bonnes pratiques de la reconstitution

lundi 20 février 2023, par Nicolas CONREUR

Propriétaire d’un véhicules militaire et reconstitueur, je dois me rendre à une manifestation historique. Quelles sont les règles à respecter sur le trajet ?

Des règles élémentaires

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A- Le propriétaire de ce Dodge WC-52 se prépare à prendre part à un défilé. Il a escamoté sa plaque d’immatriculation, montée sur charnières ne laissant apparaitre que des marquages américains. Il faudra juste penser à la remettre en place à la fin de la manifestation.

Avant tout déplacement par la route, vérifier si son véhicule est bien assuré. Il existe maintenant de nombreuses compagnies d’assurance pouvant assurer votre véhicule militaire et bien souvent votre agent d’assurance régulier pourra vous proposer une formule pour votre engin de collection. L’attestation d’assurance, le petit coupon vert, doit en principe être apposé sur votre pare-brise, même si bien souvent les collectionneurs, pour des raisons esthétiques rebutent à le faire.
Cette habitude vieille de 36 ans devrait prochainement disparaitre avec le recours systématique par les Forces de l’Ordre au FVA (fichier des véhicules assurés) rendant inutile l’affichage de l’attestation.
Le véhicule doit être également immatriculé. L’arrêté du 9 février 2009 fixe les caractéristiques et le mode de pose des plaques d’immatriculation. Les nouvelles plaques pour les véhicules neufs et ceux d’occasion, immatriculés en carte grise normale avec le système mise en place en 2009, doivent comporter des caractères noirs non réfléchissant sur fond blanc.
La taille et les types de caractères sont bien-sûr réglementés. Les véhicules immatriculés avant 2009 peuvent conserver leurs plaques d’origine (par exemple la plaques arrière à fond jaune). Les véhicules disposant d’une carte grise de collection (appelée maintenant Certificat d’Immatriculation Collection) sont par dérogation autorisés à conserver une plaque à fond noir en rapport avec leur première mise en circulation.

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Cette jeep restaurée aux couleurs des SAS du LRDG avec tout son armement sur affût est d’un modèle antérieur au 1er janvier 1946, elle est donc considérée comme matériel de guerre historique et de collection dont la détention est libre. On ne peut que conseiller au propriétaire que de replacer les armes sous housses lors de son retour au garage.

Les plaques d’immatriculation, d’après l’arrêté, doivent être fixées au châssis ou à la carrosserie de manière inamovible (rivets) avec un angle d’inclinaison inférieur à 30°. La réalité semble bien différente chez les collectionneurs de véhicules militaires. Souvent lors des convois ou sur les camps, les plaques d’immatriculation française ont tendance à disparaitre…
Plaques fixées avec des papillons, plaques sur support magnétique amovibles ou plaques escamotables montées sur charnière. Même si la maréchaussée peut se montrer tolérante, pensez à les replacer avant tout déplacement sur la voie publique. Par contre lors de certains événements, comme ce fut le cas pour les commémorations de la Libération de Paris en 2019, le déplacement en convoi, encadré par la police, a causé des soucis à des collectionneurs.
Des véhicules, avec plaques d’immatriculation bien visibles se sont fait flasher par les feux-radars de la ville de Paris, avec à la clef, une amende bien difficile à contester.
Depuis 2009, il n’existe plus pour les véhicules avec Certificat d’Immatriculation Collection (C.I.C.) de restriction de circulation, ni en France, ni même à l’étranger. Attention aux nouvelles restrictions dans les Zones de Circulation Restreintes. Pour les véhicules anciens, seul ceux avec un C.I.C sont autorisés à circuler en journée et en semaine.
Pour les propriétaires de Poids Lourds, il n’existe malheureusement pas pour le moment de dérogation à la signalisation matérialisant les angles morts mise en place en novembre 2020. Les véhicules militaires de plus de 3,5 Tonnes doivent lorsqu’ils circulent sur la voie publique afficher la signalétique réglementaire. Toutefois, il est possible de faire réaliser les panneaux sur plaques magnétiques, que le collectionneur pourra retirer un fois arrivé sur le campement.

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Le port d’uniformes allemands lors d’un spectacle est prévu par la loi. Afin de ne pas heurter la sensibilité de certain, il sera préférable d’adopter une tenue neutre dès que l’on sortira du cadre de la manifestation.

Du matériel réglementé

Le fait de rouler avec un véhicule militaire n’est pas anodin. Pour la plupart, ce sont des véhicules anciens comparable à n’importe quelle voiture de collection. Mais certains de nos engins sont soumis à une réglementation contraignante en raison de leur spécificité militaire : Ils peuvent être équipée d’une arme ou bien être blindé. Leur détention peut être libre pour certains ou classée et soumis à déclaration pour d’autres. Quelques précisions s’imposent.
Les véhicules militaires libres : Ce sont ceux définis par la loi comme « 5°- matériel de guerre dont le modèle est antérieur au 1er janvier 1946 et dont la neutralisation est effectivement garantie par l’application de procédé technique… » et ceux « 6°- dont le modèle est postérieur au 1er janvier 1946 dont la neutralisation est garantie…et qui sont énumérés dans un arrêté du ministre de la Défense compte tenu de leur intérêt culturel, historique ou scientifique ».
Ces engins sont classés en catégorie D par la loi comme matériel de guerre historique et de collection et leur détention est libre.
Pour les engins postérieurs au 1er janvier 1946 et ne faisant pas partie de la liste précitée, ils sont classés en catégorie A2 et en principe interdits à l’acquisition et à la détention. C’est à titre de dérogation à l’interdiction que la loi prévoit qu’un décret fixe les conditions dans lesquelles des personnes peuvent acquérir et détenir à des fins de collection des matériels de guerre [1].
Participer à une reconstitution historique avec un véhicule, nous amène à aborder le problème du transport des armes. Pour les armes à feu, quelles soit individuelles ou collectives sur affut, Elles doivent être neutralisées.
Le Code de la Sécurité intérieur donne la définition légale « Arme neutralisée : arme qui a été rendue définitivement impropre au tir de toute munition par l’application de procédés techniques assurant que tous les éléments de l’arme à feu à neutraliser ont été rendus définitivement inutilisables et impossibles à modifier ». Depuis avril 2016, la neutralisation doit être pratiquée selon les normes européennes et revêtue d’un poinçon EU et bénéficier d’un certificat de neutralisation européen. Les anciennes neutralisations réalisées dans l’un des 27 états européens reste légales. Les françaises sont poinçonnées AN sous couronne et ne nécessite pas la possession du certificat. Pour les armes provenant des autres états, il faut que l’arme remplisse deux conditions : être poinçonnées et justifiées d’un certificat de neutralisation équivalente aux normes françaises.

Déplacer un véhicule est considéré comme un transport

Le transport est possible à partir du moment où il est légitime et justifié. Le Code de la Sécurité intérieure précise « la justification de la participation à une reconstitution historique ou une manifestation culturelle à caractère historique ou commémoratif constitue un motif légitime de transport. »
Donc n’oubliez pas avant de prendre la route de vous munir d’un justificatif : invitation, flyer, affiche, calendrier des manifestations d’un magazine…
D’autre part, il préférable de mettre les armes sous housse, de démonter les armes collectives de leur affut et de les ranger dans les véhicules à l’abri des regards. Ce principe de bon sens s’applique aussi aux répliques de style Denix [2].
Pour les armes blanches, le port est interdit par le Code de la Sécurité intérieur. Inutile donc de le transporter votre poignard M3 en vue le porter au ceinturon lors d’une reconstitution historique.
Bien souvent, le règlement intérieur édité par les organisateurs stipule « le port des armes blanches est interdit ». Depuis 2013, les baïonnettes ne sont plus considérées comme des armes blanches. Si les organisateurs les autorisent, pensez avant votre déplacement à les transporter dans un caisson ou un coffre car elles ne doivent pas être directement utilisables.

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Lors d’une parade en véhicule, il est tout à fait logique que ces fantassins défilent avec leurs armes. Mais ces dernières devront être rangées, a l’abri des regards dès la fin de la manifestation.

Pour des raisons de commodité, les reconstitueurs ont souvent tendance à se déplacer en uniforme. Si le port d’une tenue ayant bien souvent plus de 80 ans ne justifie plus l’application du code pénal qui sanctionne « le port illégal d’uniforme ayant une ressemblance de nature à causer une méprise dans l’esprit du public » … Le fait de porter un uniforme allemand de la dernière guerre sur la voie publique peut choquer. Même si seul « le port ou l’exhibition en public d’un uniforme, insigne ou emblème rappelant ceux portés par les membres d’une organisation déclarée criminelle par le tribunal de Nuremberg » (à savoir SS, Gestapo, SD et Chef du parti Nazi) est interdit [3]. On ne peut conseiller aux reconstitueurs que d’éviter de se déplacer avec leur véhicule en tenue de fantassin de la Wehrmacht pour faire un plein d’essence ou d’aller boire un café au comptoir sur le trajet de la manifestation !
Comme l’a écrit Descartes, «  le bon sens est la chose du monde la plus partagé ». Encore faut-il l’appliquer !

Bonne route à tous.

L’article de VMM publié en aout-septembre 2022.

[1Voir VMM n°96 de décembre 2020.

[2Voir VMM n°90 de janvier 2019

[3Voir VMM n°94 de janvier 2019.