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Nouvelle règlementation

Point sur la neutralisation des armes à feu et des munitions

mardi 3 juin 2014, par Jean-Jacques BUIGNE membre du CA de la FPVA


Neutraliser une arme à feu, c’est la rendre impropre au tir de munition par la modification irréversible de son mécanisme de fonctionnement. Décrétées en 1978, les nouvelles normes de neutralisation permettent au collectionneur de conserver en toute sécurité juridique les armes à feu du XXème siècle. Seule la neutralisation effectuée par le Banc d’Epreuve de Saint-Etienne était reconnue en France.
Le nouveau décret [1] a ouvert la perspective à la reconnaissance des neutralisations à l’étranger. Mais les dispositions légales actuelles recèlent des incertitudes juridiques donc des dangers.


Un peu d’histoire

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Le poinçon AN couronné de St-Etienne reste encore la meilleure garantie de vivre sa vie de collectionneur sans encombre. L’arme poinçonnée est définitivement classée comme arme de collection, même si les normes évoluent en se renforçant.

La possibilité de reconnaissance réciproque des procédés de neutralisation des autres pays de l’UE, que prévoyait l’ancienne règlementation, n’est jamais entrée en pratique, car les accords qui auraient dû être passés entre les pays européens n’ont jamais été conclus.

Un célèbre arrêt de la Cour de Cassation [2] avait décidé que : « les bancs d’épreuve anglais présentaient des garanties équivalentes à celles offertes par le banc de Saint-Étienne et que la neutralisation des armes avait été parfaitement réalisée. Seule la culasse devait être neutralisée par le Banc d’Epreuve. » La neutralisation anglaise de l’époque n’était donc pas parfaite. [3]

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Le poinçon AN couronné de St-Etienne reste encore la meilleure garantie de vivre sa vie de collectionneur sans encombre. L’arme poinçonnée est définitivement classée comme arme de collection, même si les normes évoluent en se renforçant.

Mais depuis, rien de concret sur le plan législatif. Au hasard des jugements des tribunaux, les collectionneurs se voyaient soit saisir et détruire leurs armes, soit les rendre en l’état, le tribunal reconnaissant la bonne neutralisation.
Seule une lettre du Contrôle Général des Armées avait admis la validité en France des neutralisations effectuées par des bancs d’épreuves de pays de l’UE, sous réserve que les opérations de neutralisation offrent les mêmes garanties que celles pratiquées en France.

C’est dire l’insécurité juridique qui a régné jusqu’à aujourd’hui, les détenteurs d’armes neutralisées à l’étranger jouaient donc à la roulette russe.
D’un autre coté, l’évolution récente du contexte criminel lié aux armes à feu de provenance des pays de l’Est et introduites en France de manière illégale, ne peut que provoquer une inquiétude légitime des pouvoirs publics.

La règlementation se précise

Le dernier décret [4] est parfaitement clair :
- l’arme doit avoir été neutralisée dans un pays de l’UE,
- la neutralisation doit être constatée par un poinçon et un certificat,
- et elle doit présenter des garanties équivalentes à la neutralisation française.
Inutile de vous dire que cette énumération est très restrictive et est bien loin de constituer une reconnaissance des neutralisations étrangères.

Un pays de l’UE : l’arme doit donc avoir été neutralisée dans l’un des 28 états de l’UE. Ainsi les armes neutralisées en Russie, par exemple, ne peuvent en aucun cas être reconnues en France, la Russie ne faisant pas partie de l’UE.

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Divers certificats de neutralisations de pays de l’UE. Attention, pour que la neutralisation soit reconnue en France, l’arme neutralisée à l’étranger doit comporter poinçon et certificat.
De gauche à droite : certificat allemand, espagnol, anglais, belge et, au centre, polonais.

Un poinçon et un certificat : les deux preuves sont nécessaires. Cela relève de l’impossibilité matérielle pour bien des neutralisations étrangères. Beaucoup de pays n’attestent cette neutralisation que par un des deux éléments : un poinçon et pas de certificat ou un certificat et pas de poinçon.

Des garanties équivalentes : cela signifie que la responsabilité de la conformité de la neutralisation est déléguée aux détenteurs et aux vendeurs successifs. C’est donc à eux de prouver vis-à-vis des autorités que les procédés sont équivalents à ceux réalisés en France.
Or, il est de notoriété publique que les neutralisations réalisées dans certains pays européens ne sont pas réellement équivalentes aux neutralisations françaises. Nous recommandons donc aux collectionneurs et aux commerçants de s’abstenir d’introduire en France des armes neutralisées dans ces pays. Ou alors, par un souci de sécurité, nous leur conseillons de les présenter au Banc d’Épreuve de Saint-Étienne pour validation de la neutralisation pratiquée à l’étranger.

Mauvaises neutralisations

Sur les armes neutralisées en Allemagne et en Autriche les éjecteurs et les lèvres des chargeurs doivent être retouchés. Souvent les canons ne sont pas rendus indémontables. Pour la police et pour la douane, telles quelles, ce sont donc bien des armes de catégorie A ou B.

Le cas des neutralisations espagnoles est plus difficile, car certaines d’entre elles se limitent souvent à une ouverture de la chambre effectuée à la fraise. Cette neutralisation permet une réactivation de l’arme par simple changement du canon. Il faudra donc rendre le canon indémontable, le neutraliser et neutraliser la tête de culasse, ainsi que le chargeur et l’éjecteur.

Légalement si l’arme est bien poinçonnée et accompagnée de son certificat, rien n’interdit au détenteur de terminer la neutralisation lui-même. Mais c’est un peu tiré par les cheveux et pour ces pays nous conseillons formellement le passage au Banc d’Épreuve.

Reste enfin le cas des armes neutralisées en Russie : l’usine d’Ishevsk, qui fabrique les Kalachnikov, a entrepris depuis la fin de la guerre froide de proposer aux collectionneurs occidentaux des armes neutralisées d’usine. Il s’agit d’exemplaires prélevés sur les chaines de fabrication, dont le canon est remplacé par un canon inactif et la culasse par une culasse neutralisée. La carcasse porte un marquage identifiant une arme sortie d’usine neutralisée et un certificat de neutralisation accompagne l’ensemble. Les collectionneurs qui pensent se trouver dans le même cas qu’avec une neutralisation allemande se trompent, car la Russie ne fait pas partie de l’Union Européenne.

Systèmes d’alimentation

La règlementation [5] mentionne que les « systèmes d’alimentation » placés sur les armes neutralisées doivent être neutralisés.
A noter que « les systèmes d’alimentation » sont classés dans la même catégorie que l’arme correspondante, il est interdit de les posséder sans l’arme correspondante, leur nombre est limité à 10 par arme et le nombre de coups est limité à 20 ou 30 selon qu’ils se montent sur une arme de poing ou d’épaule.
Ceci pose un problème pour le collectionneur de mitrailleuses neutralisées qui possède fréquemment une (ou plusieurs) bande(s) garnie(s) de cartouches neutralisées, destinées à présenter leur arme.

Nous leur conseillons d’attendre plus d’information. Il est évident que, pour la neutraliser, il est impensable de couper avec des ciseaux une bande textile ou couper une bande de tôle.

Nous souhaitons pour notre part que l’administration admette qu’une bande garnie de cartouches neutralisées est elle aussi considérée comme neutralisée. Ce sera à discuter en même temps que la carte du collectionneur.

La pérennité d’une neutralisation à l’étranger

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Banc d’épreuve de St Etienne :
Mise en place du fameux bouchon fileté et bloqué mécaniquement avec trois billes. Utilisé sur les armes à canon démontable : PA, armes automatiques, etc...

Un problème subsiste : les normes de la neutralisation française ont varié dans le temps pour se renforcer. Ainsi un collectionneur qui achète une arme neutralisée à l’étranger une année A et qui lui fait subir les mutilations nécessaires pour que la neutralisation soit équivalente à celle faite à Saint-Etienne cette même année, pourrait être ennuyé lors d’un contrôle ultérieur : son arme ne serait plus aux normes. Cela crée une insécurité juridique.

Pour un bon ordre

Il est évident que tout ceci reste moyennement clair pour le collectionneur français, et que nous sommes loin de la libre circulation des armes neutralisées en Europe.

L’administration craint que ces armes mal neutralisées soient facilement remises en état avec des pièces que l’on trouve facilement sur Internet. La commission travaille actuellement sur une harmonisation des neutralisations en Europe et peut-être qu’en 2015 nous verrons une règlementation plus fiable pour les armes neutralisées à l’étranger.

Le Transport

Reste un dernier point : une arme neutralisée ne peut pas être portée ou transportée sans motif légitime. Actuellement le décret [6]est ambigu sur le motif légitime qu’il restreint aux seules reconstitutions historiques. Mais le Ministère de l’Intérieur nous a précisé que ce motif pouvait être vu de façon large. Il s’agit simplement que l’arme neutralisée ne soit pas utilisée dans un « braquage ». Donc se rendre dans une bourse aux armes, chez des amis, pour une expo etc… seraient des motifs légitimes pour peu que l’on puisse en justifier.

L’UFA vient de demander au Ministre de l’Intérieur de préciser par une note ce point qui est très important pour les collectionneurs.

La règle est dans les textes
Le nouveau décret [7] est très précis sur la neutralisation :
- Définition : « arme qui a été rendue définitivement impropre au tir de toute munition par l’application de procédés techniques définis assurant que tous les éléments de l’arme à feu à neutraliser ont été rendus définitivement inutilisables et impossibles à modifier ; »
- Marquages : « le poinçon, apposé par l’autorité qui constate la neutralisation, atteste du caractère inutilisable de l’arme ; »

Sont classées comme armes de collection catégorie D2° d) les « Armes à feu dont tous les éléments ont été neutralisés :

- par l’application de procédés techniques et selon des modalités définies par arrêté conjoint des Ministres de la Défense, de l’Intérieur et des Ministres chargés des Douanes et de l’Industrie ;

- ou par des procédés définis et contrôlés par un autre État membre de l’Union Européenne et attestés par l’apposition de poinçons et la délivrance d’un certificat, sous réserve qu’ils offrent des garanties équivalentes à la neutralisation réalisée en France ; »

Les munitions :

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Les munitions ornementées sont des « œuvres artistiques et patrimoniales ». Reste à traduire ce concept dans les textes règlementaires.

Le décret défini ainsi la neutralisation des munitions :
« munition dont le projectile a un diamètre inférieur à 20 mm et dont la chambre à poudre présente un orifice latéral d’un diamètre au moins égal à 2 mm ne contenant plus de poudre et dont l’amorce a été percutée. Cette opération est réalisée par un armurier. »

Le texte est clair :
- la neutralisation des obus ou autre gros calibre n’est pas reconnue. Mais des instructions ont été données pour que les douilles ciselées, repoussées ou gravées soient considérées comme des œuvres artistiques et patrimoniales. Une réflexion est en train d’être menée par les services compétents sur la collection des douilles de gros calibres.
- Les munitions d’armes légères ne peuvent pas être neutralisées par un particulier. Mais une fois qu’il les a dans sa collection, il est conforme aux textes.

Certificat établi par un chef de corps.
Un certificat de neutralisation établi par un chef de corps pour un de ses hommes rapportant une arme d’opérations.

En général, la démilitarisation était effective et même sévère. Cette pratique se situe peu après le passage de la neutralisation par goupille à la neutralisation de St-Etienne (1978).

Mais selon les textes juridiques actuels, elle n’est pas légale

Voir aussi :
- Perte du certificat,






[1Décret du 30 juillet 2013 n° 2013-700.

[2Cours de Cassation 19/12/96 Barbe/Butel, pourvoi n° 95-83786,

[3Aujourd’hui, cette jurisprudence est un peu obsolète. Elle date d’un temps où certains pays de l’Est de l’Europe n’étaient pas des Etats membres de l’UE et où les armes ne représentaient pas un risque semblable pour l’ordre public.

[4Décret du 30 juillet 2013 n° 2013-700.

[5art 19 de l’arrêté du 7 septembre 1995 modifié.

[6art 121 du décret du décret du 30 juillet 2013.

[7décret du 30 juillet 2013 n° 2013-700.

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