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Interview de Nicolas Sarkozy

Commentaires I.F.A.L.

Suite à la parution d’une Interview dans GUNS & CALIBRES n° 29 février 2007.

samedi 12 avril 2008, par UFA


Suite à la très controversée intervention du ministre de l’Intérieur sur RTL le 22 septembre 2006, un magazine connu et apprécié des tireurs sportifs lui accorde une interview.


Le ministre rappelle la réglementation française en vigueur et ses origines. Nous relèverons une première erreur du ministre. "Le premier texte connu à ce jour réglementant le port et la détention d’armes [ne ] remonte [pas] au règne de Philippe le Bel." Il est bien plus ancien puisque que le premier texte connu date de l’Égypte pharaonique, la Grèce et la Rome antiques en ont également connu. Pour l’histoire de France, on retrouve déjà un capitulaire en 16 articles de l’empereur Charlemagne, datant de l’an 805, intitulé "Capitulaire sur la discipline ecclésiastique, la prohibition du duel, la défense du port d’armes.... " En 1265, Louis IX (1226-1270) prend une Ordonnance qui défend aux particuliers de porter habituellement des armes. Ce n’est qu’en 1288 que de Philippe le Bel (1285-1314) prohibe par ordonnance, dans le seul Paris, le port du couteau à pointe, du bouclier, de l’épée et des armes en général, à peine d’amende. Et par une nouvelle ordonnance de Poissy, du 30 décembre 1311, il défend les tournois et le port d’armes.
 [1]
Cette remarque montre deux choses. D’abord que ceux qui préparent les réponses du ministre n’ont qu’une connaissance des plus approximatives de la question et ensuite, compte tenu de l’avalanche de limitations qui se sont succédées sous l’ancien Régime de Louis IX à la Révolution, il est patent que toutes ces réglementations n’ont eu que peu d’effets.

Il approuve explicitement les mesures restrictives prises par ses prédécesseurs socialistes
Manifestement, dans son exposé sur la réglementation, le ministre approuve explicitement les mesures restrictives prises par ses prédécesseurs socialistes : entreposages soit disant sécurisés de certaines armes, tirs contrôlés, mais sans annoncer les avantages qui en ont résulté. En revanche, les détenteurs d’armes respectueux des lois peuvent clairement exposer les inconvénients et l’inutilité de telles mesures.
Le ministre s’empresse également d’approuver d’anciennes dispositions, que les nouvelles en se superposant rendent superfétatoires ! Et déclare concernant la réglementation actuelle :
" Elle constitue un dispositif certes contraignant, mais nécessaire pour encadrer avec un maximum de sécurité la pratique du tir sportif et restreindre l’utilisation d’une arme à un cadre strictement sportif. "
Si le terme de "contraignant " est une litote, on ne voit pas en quoi la sécurité de " la pratique du tir sportif ", activité parmi les plus sures, ait été en quelque façon que ce soit améliorée !
Manifestement, le ministre insiste sur le fait que "les conditions de stockage des armes doivent être strictement respectées afin qu’un tiers ne puissent s’en saisir."
Non seulement la majorité des détenteurs d’armes n’ont pas attendu le décret de 1998 pour prendre des mesures adaptées à leur situation pour entreposer leurs armes, et d’autres produits présentant eux un réel danger et que la loi et le règlement ignorent !
Mais ces détenteurs d’armes respectueux des lois seraient intéressés de connaître les résultats obtenus par l’obligation de coffre d’une part, et d’autre part comment l’administration a résolu le cas des armes de service détenues à leur domicile par ses agents !

Et l’echec britanique ?

Et à une question sur "l’échec avéré et reconnu par le gouvernement britannique de leur législation " sur les armes, le ministre répond :
"Contrairement à une perception du public, la criminalité liée à l’usage des armes à feu est très basse au Royaume-Uni : moins de 0,5 % de la criminalité enregistrée par la police dans les douze mois précédant mars 2005. De plus, elle concerne des quartiers précis des grandes villes, et un type particulier de délinquance lié au trafic de stupéfiants. "
Ainsi, d’après le ministre, la criminalité violente au Royaume-Uni a les mêmes caractéristiques géographiques et les mêmes causes, liées au trafic de stupéfiants , que les Etats-Unis.
Mais si le pourcentage de 0,5 % semble faible, appliqué à la criminalité française, plus de 3 millions de crimes et délits annuels, cela ferait tout de même plus de 15 000 cas, soit plus du double "de la criminalité (impliquant une arme à feu) enregistrée par la police " et la gendarmerie française ! Hors, si la population du Royaume-Uni est équivalente à celle de la France, le taux de criminalité y est supérieur, d’après un récent rapport de l’ONU !
Si les gouvernements britanniques ont spolié des centaines de milliers d’honnêtes citoyens et en ont harcelé des millions, pour avoir une criminalité violente du même type que les Etats-Unis (et un taux global supérieur) d’une part, et d’autre part des résultats encore plus mauvais que la France, c’est bien un fiasco !

Pourtant, le ministre énumère de manière dithyrambique une liste de mesures, assez ridicules, prises par le gouvernement de monsieur Blair, dont un esprit rationnel ne voit pas le sens en matière de sécurité. Et après avoir cité de nouvelles données chiffrées mais "provisoires sur les années 2005 et 2006 ", qui ne démontrent rien, il reconnaît :
"Malgré ces signes positifs prometteurs, le nombre général des infractions impliquant une arme à feu n’en continue pas moins d’augmenter chaque année. "
Et plus loin dans l’interview, il admet même :
"L’exemple britannique est un parfait exemple d’erreur. Depuis environ 10 ans les armes de poing sportives sont interdites, et cependant les agresseurs et meurtres par armes à feu n’ont fait qu’augmenter."
Pourquoi donc suivre la même voie ?

Et la proposition Marlin ?

Nous regrettons fortement que le ministre n’ait pas répondu clairement et précisément à cette question précise :
"Un député de l’Essonne, Monsieur Frank MARLIN , a proposé de faire une refonte complète de la législation sur les armes à feu datant en France de 1939, que pensez-vous de son projet ? "

Préférant faire le rappel d’une réglementation que tout le monde s’accorde à juger obsolète et inefficace, il a en outre insisté sur le tir sportif se limitant aux disciplines I.S.S.F. et en particulier sur la compétition. Ce qui ne concerne pas la majorité des licenciés de la F.F.T. et encore moins l’ensemble de la population.
Cependant, il conclut de façon sibylline sur une évidence :
"Il apparaît qu’une refonte de la législation telle que présentée par le député MARLIN sans forcément être plus ou moins contraignante, permettrait pour les pratiquants du tir et les représentants de l’administration de ne plus être confrontés à une réglementation opaque et différemment interprétée selon les lieux et les intervenants. Ainsi une clarification de la présentation de la législation permettrait de gagner en efficacité des deux cotés."
Espérons que cette clarification ne consiste pas comme le propose la député " Verte " et (est) allemande Gisela Kallenbach à n’avoir que deux catégories d’armes à feu : celles qui sont interdites et celles qui ne sont pas permises sauf autorisation !

Le ministre se laisse aller à une révélation significative et inquiétante :
"S’agissant de l’éventualité d’une restriction ayant trait à une limitation du calibre des armes utilisées pour le tir sportif (c’est à dire excluant entre autres les armes de guerre), cette décision ne pourrait être prise unilatéralement dans la mesure où elle disqualifierait de fait la représentation française dans certaines compétitions sportives internationales de tir et devrait s’inscrire dans une concertation internationale entre les instances sportives concernées. "

En conclusion, comme l’a fait d’emblée remarquer Frédéric BOTBOL qui réalisait l’interview, le résultat tangible a été ces "contraintes et restrictions abusives ont érodé le nombre de tireurs français depuis une vingtaine d’années ". Il aurait pu ajouter que le nombre d’armuriers a été également divisé par deux au cours de la même période.
Non seulement le ministre qui estime que "restreindre n’est pas abusif mais nécessaire " mais, à aucun moment démontré en quoi la détention d’armes par les citoyens était nuisible à la société mais il n’a pas non plus indiqué, même approximativement le coût de telles restrictions. La gabegie canadienne en la matière et aussi patente que le fiasco britannique et ces deux exemples nous laissent des plus perplexes quant à leur efficacité et nous font penser qu’elles ont même l’effet inverse du but sinon recherché, mais annoncé.
Il n’a pas non plus prouvé que ces "restrictions" auraient eu un quelconque effet positif. S’il se félicite que "les mesures de sécurité et de précaution imposées pour la conservation de ces armes sont en cela efficaces", il ne fournit aucune indication sur cette efficacité par rapport à la situation antérieure. De plus, il ne justifie pas la raison pour laquelle cette obligation d’entreposage sécurisée des armes n’est pas appliquée par les fonctionnaires de sa propre administration pour les armes conservées à leur domicile, en contradiction avec la décision du Conseil d’Etat !

Pourtant, il n’y a aucune corrélation entre le nombre d’armes détenu et le nombre de décès par armes à feu !
Il est également regrettable que le ministre se soit laissé aller à un couplet d’anti-américanisme primaire :
"La facilité d’accès à une arme à feu génère forcément une forme de criminalité plus violente, comme on peut le constater aux Etats-Unis. La présence d’armes à feu au domicile des particuliers peut amener à adopter d’emblée un comportement agressif et disproportionné par rapport à leur intention criminelle. "
Ces deux assertions non démontrées sont fausses.

- Une étude internationale [2] portant sur 46 pays, regroupant 65 % de la population admet qu’aucun résultat significatif n’a été mis en évidence sur l’efficacité de la réglementation des armes. De plus, les études statistiques ou historiques n’ont dégagé aucune corrélation entre le nombre d’armes détenu et le nombre de décès par armes à feu. Ce constat a été confirmé lors du colloque "Armes & Sécurité, un débat de société " au Sénat le 26 janvier 2006.

- Les Etats-Unis sont le pays développé qui enregistre le plus faible taux de cambriolages de résidences habitées. En revanche, un amoncellement croissant de fait divers odieux, [3] depuis au moins une décennie, montre qu’en France les malfrats ont de plus en plus un "comportement agressif et disproportionné par rapport à leur intention criminelle ", que ce soit sur la voie publique ou au domicile des victimes.

En résumé, les commentaires du ministre nous laissent perplexes.
- Il se félicite de la réglementation en vigueur sans en montrer ni sa raison d’être, ni sa pertinence, mais reconnaît qu’elle est "opaque et différemment interprétée selon les lieux et les intervenants ".
Ce qui est inadmissible dans une République "Une et indivisible" .
- Il vante le modèle britannique et avoue quelques lignes plus loin qu’il "est un parfait exemple d’erreur ".










[1Source : Thèse de Doctorat de droit de J-P Lemoine.

[2United nations, Economic and Social Council, ref E/CN. 15/1997/4 du 7 mars 1997. Commission on Crime Prevention and criminal Justice, 6ème session Vienne, 28 avril-9 mai 1997).

[3Que le Ministre de l’Intérieur n’ignore pas puisqu’il en a cité un particulièrement abject lors de son passage sur TF1 le 5 février 2007 !

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