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Gun control et totalitarisme

samedi 12 avril 2008, par Maître Jean-Paul LEMOIGNE, avocat, consultant de l’UFA


Il y a quelques années paraissait un ouvrage extrêmement intéressant [1] dont l’auteur est un enseignant de l’université de Genève, Éric Werner, sur les rapports que l’on pourrait faire entre la démocratie post-moderne et les éléments qui caractérisent le totalitarisme.
La démocratie est-elle l’antithèse du totalitarisme et est-elle immunisée absolument contre de telles dérives ? En d’autres termes, y-a-t-il une différence de nature ou de degré entre ces deux concepts politiques ?


S’interrogeant sur l’évolution des régimes occidentaux depuis la chute du communisme, il reprend les critères établis par Carl Friedrich et Zbignew Brzezinski [2] constituant une grille simplifiée afin de reconnaître le phénomène totalitaire. Ils sont au nombre de six :

  • Une idéologie officielle à laquelle chacun est supposé adhérer.
  • Un parti unique avec à sa tête un dictateur.
  • Un système de terreur.
  • La mainmise sur les médias.
  • Le monopole dans l’utilisation des armes à feu.
  • Une direction centralisée de l’ensemble de l’économie.

Nous ne nous intéresserons ici qu’au cinquième point. Ainsi, il est remarquable que d’éminents chercheurs en science politique s’autorisent à ranger le principe général d’interdiction de la possession d’armes à feu (et son corollaire de monopole étatique) parmi les caractères du totalitarisme. C’est évidemment revenir à la question essentielle, lorsque l’on s’est libéré des scories statistiques ou des phantasmes entretenus à dessein par certains. Est-il de quelconque légitimité que l’État (ou plutôt certains individus qui prétendent l’incarner, car par définition l’État est neutre) se réserve la possession des armes ?

Cette interrogation, pourtant fondamentale, n’a jamais été correctement traitée juridiquement, que ce soit au moment de la discussion de la proposition de loi Farcy (1885) d’essence libérale, ou de la proposition de loi Le Roux (1998) d’essence étatiste. Cette dernière voulait introduire en droit positif le principe prohibitionniste dans toute sa rigueur. Notons, au passage, que les seuls cas d’interdiction générale et absolue dans la législation récente sont au nombre de deux : l’occupation allemande (par l’ordonnance du 10 mai 1940 [3] et celles qui suivirent) et la législation du Gouvernement de l’État français (dit régime de Vichy). On a donc là une démonstration, par l’exemple, que la privation du droit de détenir des armes est intimement liée au niveau que le pouvoir politique estime devoir affecter aux libertés publiques. Lorsque le droit de détenir des armes recule, la tentation de faire reculer les autres droits suit inévitablement. Au citoyen de s’en souvenir.

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Mauvais souvenir : affiche pour obliger les Francais à déposer leurs armes dans les mairies ordonance du 18 mars 1942.





[1WERNER (E), L’après-démocratie, l’Âge d’Homme, Paris, 2001.

[2In Totalitaria Dictatorship and Autocracy, Havard University Press, 1957, Introduction, p.22.

[3Verordnungsblatt für die besetzten französischen Gebiete, n°1, 4 juillet 1940, p.4.

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