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Lettre au préfet de la Manche

Affaire du Musée "Carentan Historical Center"

mardi 8 juillet 2008, par UFA


Carentan Historical Center
2, Village de l’Amont
50500 St-Côme-du-Mont

Préfet de la Manche
Place de la Préfecture
50009 Saint-Lô
Article sur le musée


St.-Côme-du-Mont, le 23 juin 2008

Monsieur le Préfet,

Je vous adresse ce courrier en ma qualité de directeur du Carentan Historical Center, pour vous faire part de mes inquiétudes quand au respect des lois et de votre autorité dans votre préfecture.

Le Carentan Historical Center est un centre d’interprétation de l’histoire des parachutistes du Jour-J, développé sur la région de Carentan / St. Côme-du-Mont inauguré en 2005 par Monsieur le Sous-préfet.

Située entre les deux plages de débarquement d’Utah et d’Omaha, Carentan se trouve être un des hauts lieux de l’histoire du débarquement de Normandie. En 1944, aux yeux du Commandant en Chef de l’Armée des Etats-Unis, cette ville située aux frontières de la Manche et du Calvados doit être prise dès le 6 juin. Pour ce faire il engage la plus prestigieuse division de l’armée des Etats-Unis : la 101ème Airborne Division. Elle est opposée à l’élite de l’armée allemande, les parachutistes du 6ème Régiment. Hitler conscient de l’enjeu capital que constitue cette ville ordonne personnellement de la tenir jusqu’au dernier. Ce n’est qu’après six jours de meurtriers combats que les parachutistes américains s’emparent de cette ville.

Avec le support de plusieurs instances américaines, nous avons mis en place la première réalisation de ce vaste projet historique que nous développons sur la région.
Première étape du Carentan Historical Center, le Dead Man’s Corner Museum présente une partie d’une des plus importantes collections mondiales de matériel militaire américain, historique, liée à cette page de l’histoire de la France et des Etats-Unis d’Amérique.

Le Centre d’Histoire de l’Armée des Etats-Unis, instance militaire américaine sous le commandement du Colonel Robert Dalessandro, nous rend officiellement visite chaque année. Ce qu’écrit le Colonel est éloquent : “I would recommend the Dead Man’s Corner Museum in Carentan to anyone interested in WWII history. This is simply the finest museum in the Normandy area. The quality of the historical material (virtually all of which is attributed to specific participants in the Normandy Campaign), to excellence of the exhibit design, and the overall interpretation are without peer. It truly is must see !" ?Col Rob Dalessandro, Director US Army Heritage and Education Center, US Army War College, Carlisle, USA

Le Colonel souligne la qualité exceptionnelle des collections exposées. Cette qualité est également reconnue par les musées de la guerre gouvernementaux britanniques et canadiens qui nous sollicitent pour le prêt de pièces qu’ils n’ont pas dans leurs collections et ce afin de compléter leurs expositions temporaires.
Ces collections, qui en quelque sorte font parties du patrimoine français nous servent à honorer et exprimer notre gratitude à nos libérateurs. Elles participent à la vie touristique de la région et sont un des supports servant à enseigner et à transmettre aux plus jeunes afin qu’ils n’oublient pas.

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L’autorisation préfectorale du FG 42

C’est avec cet esprit de devoir de mémoire que nous gérons ce centre historique.
Parmi cette riche collection, se trouve un très rare fusil FG 42 de parachutiste fabriqué à quelques exemplaires seulement, d’une valeur de 40.000 euros.

Depuis l’affaire de la batterie de Crisbecq et de son groupuscule néo-nazi, les sites de commémorations et les musées sont la cible de règlements de comptes.

A ce titre, le Dead Man’s Corner Museum a été visité le vendredi 20 juin 2008, par un « commando » des douanes de Rouen. Parmi d’autres matériels, cette équipe, dont certains s’estiment et déclarent être au-dessus des lois de la République Française, a jugé bon de saisir ce fusil FG 42.

Ce fusil et d’autres armes exposées dans le musée ont fait l’objet de demandes d’autorisations de détention de 1er catégorie comme publié au Journal Officiel de la République Française du 7 mai 1995, Décret (extrait) No 95-589 du 6 mai 1995, cette autorisation ayant été délivrée par vos services. Le registre de ces armes est tenu et visé par un officier de Gendarmerie comme le décret le stipule.

Malgré la présentation des documents délivrés par la préfecture et ledit registre, nous autorisant la détention et l’exposition de ces armes, les douanes ont procédé à la saisie des armes exposées au musée. Ils nous ont refusé de contacter le représentant de l’autorité locale, confisqué téléphones portables et interdit d’utiliser la ligne fixe pour entrer en contact avec qui que ce soit.
Ne résidant pas en France, mais à Bruxelles, j’ai après de longues heures d’insistance pu m’entretenir téléphoniquement avec un représentant des services douaniers présent sur les lieux, qui m’a déclaré saisir ce fusil FG 42 en justifiant qu’une pièce de sécurité n’avait pas été enlevée conformément au décret No 95-589 du 6 mai 1995. Je m’étonne de cette déclaration car cette dite pièce se trouve en ma possession à Bruxelles et consignée dans mes locaux sous certificat d’agrément pour collections et musées d’armes et de munitions (Art.1 et 27 de le loi du 3/1/1933, mod. Le 30/1/1991) sous l’agrément du Royaume de Belgique, Gouvernement provincial du Brabant N° 3/2/92/ 0044.
Je m’étonne de la déclaration faite à mes associés « ne vous inquiétez pas, cette arme ne sera pas détruite, elle ira aux Invalides ».
Auprès de mes associés, présents lors de la saisie, les douaniers ont également déclaré qu’il existait les lois de la Préfecture et celles des Douanes. À ce titre, ils confisquent ledit registre des armes.

Si je ne m’abuse, le Préfet est le dépositaire de l’autorité de l’État dans le département. Il demeure responsable de l’ordre public. Il est le représentant direct du Premier ministre et de chaque ministre dans le département.
Je m’inquiète de constater qu’en France l’instance qui pour moi représentait l’autorité à savoir la préfecture ne serait pas compétente aux yeux des douanes pour délivrer des autorisations de détention d’armes à feu dans le cadre d’une exposition muséographique établie dans leur département.
En tant que citoyen européen je m’étonne d’entendre qu’il existe au sein de la République Française un état dans l’état, une autorité qui n’obéirait pas aux lois françaises et donc au Président de la République.

Par le biais de mes conseils juridiques Me Mullot, établi à Toulouse et Me Antoniou établi à Bruxelles, je n’hésiterai pas à informer mon ambassade et à saisir les plus hautes instances du Conseil de l’Europe sur les pratiques et l’existence de ce pouvoir qui n’entend pas reconnaître l’autorité de son représentant au sein de son pays. J’entends également informer la presse des méthodes douanières qui ont cours en France.

En ma qualité de directeur et de responsable du musée, je m’étonne de voir une descente des douanes dans mon établissement menée sans que mandat m’ait été délivré. Je m’étonne surtout de voir que c’est une équipe qui vient de Seine-Maritime pour visiter un musée de la Manche et que seul notre musée est l’objet de cette visite.

Conscient et respectueux de la sécurité à apporter au lieu d’exposition des armes, le musée est entièrement équipé de vidéos caméras de surveillance hautes performances agrée APSAD et conformément l’article de loi 95-73, il est annoncé aux visiteurs qu’ils sont filmés. C’est donc en toute connaissance de cause que ces agents du service des douanes ont été filmés durant l’entièreté de leur procédure. Il sera très intéressant d’y voir des agents assermentés en pleine procédure de saisie se charrier sur la beuverie de la veille qui selon leurs propres dires s’est terminé en vomissant… Il y sera également intéressant d’entendre que l’un d’entre eux suite à la petite fête de la veille se fait surnommer et charrier sous le surnom de « Vomito ». Plus étonnant encore, deux agents se déguisant avec les uniformes de l’établissement, jouant avec une balle magique prise dans la boutique souvenir ou encore un douanier poursuivant la maître-chien dans l’établissement pour essayer de la badigeonner avec un stick de camouflage facial pris dans la boutique souvenirs. Est-ce dont cela dont-il est question pour ces agents ; faire de l’établissement leur plaine de jeu où à l’abri des regards tout est permis.

Je passe les méthodes inquisitoires dont nous avons été victimes, la recherche de la « célèbre cache d’armes » du Dead Man’s Corner planquée sous la structure, la fermeture du musée toute la journée sans avis préalable, l’absence de présentation de documents officiels, les menaces de garde-à-vue, la pression mise sur mon personnel conduisant jusqu’au malaise d’une de nos jeunes stagiaires BTS… ou à la menace à un autre jeune stagiaire BTS de : « si je te vois utiliser ton portable je te le prends, je te mets les menottes et je t’embarque ! » Je passe également les accusations, insinuations, l’absence de présomption d’innocence, le traitement infligé à mes associés devant le personnel…
Si je passe sur les méthodes, je m’interroge sur les propos qui laissent à croire que cette visite n’est pas innocente et dénuée d’intérêts pour tout le monde. À notre égard, il est clairement établi que ce fusil était une des cibles premières de cette visite douanière et qu’ils étaient venu dans le but de repartir avec ce fusil historique de grande valeur.

Si je ne fais pour l’instant que m’interroger sur le déroulement très peu procédurier de cette saisie, je m’insurge cependant devant les allusions claires qui ont été faites quant à nos accointances avec des groupuscules néo-nazis et notre volonté de prôner l’idéologie nazie par l’exposition de matériel allemand dont un drapeau à croix gammée.
Il est intolérable que sans fondement, un amalgame soit immédiatement créé entre ce qui c’est passé à Crisbecq et notre musée sur simple fait qu’un drapeau nazi soit exposé dans un musée. Ce drapeau qui par ailleurs est un trophée de guerre américain signé par ses libérateurs et donné au musée par une association de vétérans américains, qui se sont emparés de celui-ci à Carentan en 1944. Cet amalgame, sans enquête ni fondement, ni condamnation est intolérable dans un état de droit et de liberté dont la France se targue d’être un exemple.

Il est nul doute que nous avons été victime d’une dénonciation calomnieuse et d’une opération clairement montée pour récupérer une pièce de grande valeur. C’est par ailleurs très bizarrement vers cette pièce que les douaniers se sont empressés de s’orienter en toute connaissance de sa localisation et de son intérêt historique et financier, ce qui laisse place à encore plus d’interrogations.

Lors de ma visite à la préfecture, il m’est apparu que la connaissance des lois que doivent appliquer les musées en matière d’exposition de matériel considéré comme matériel de guerre n’était pas maîtrisée. Quand j’ai demandé comment avaient procédé les autres musées installés dans la Manche, l’on m’a répondu que j’étais le premier musée à avoir fait cette demande.

Paradoxalement, nous sommes le seul musée de la Manche à avoir reçu la visite des douanes. Les lois ne seraient-elles pas applicables à tous les musées ? Y aurait-il en France non seulement plusieurs pouvoirs mais également une loi qui n’est pas la même pour tout le monde ?

Au regard de toutes ces irrégularités, je vous demande Monsieur le Préfet d’user de votre autorité afin que la loi des douanes ou de l’Etat, je ne sais plus à laquelle il faut se référer, soit appliquée à tous les musées ou que me soient restitués les objets saisis dans les plus brefs délais, que des excuses écrites me soient présentées par les autorités douanières et que des excuses verbales soient présentées à mes associés et mon personnel qui n’ont eu d’autre choix que de subir ces méthodes inquisitoires.

J’adresse copie de ce courrier aux autres instances concernées, dont copie est jointe, ainsi que le courrier adressé aux musées de l’espace historique de Normandie.

Nous vous remercions d’avoir la diligence de traiter cette affaire avec la plus grande priorité.
Je vous prie Monsieur le Préfet, d’accepter l’expression de nos sentiments les plus respectueux.

Michel De Trez
Directeur, CHC

En copie : courrier adressé aux directeurs des musées de l’Espace Historique de Normandie. Liste des instances informées :

- Ambassador Craig Stapleton - Embassy of the United States of America
- Colonel Raymond Hodgkins - US Army Defense Attache
- Colonel Rob Dallessandro - Commandant du Centre de l’histoire de l’Armée des Etats-Unis
- Ambassadeur Baudouin de la Kethulle de Ryhone - Ambassade de Belgique
- Conseil de l’Europe, Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne
- Madame Michèle Alliot-Marie - Ministre de l’Intérieur
- Madame Rachida Dati - Ministre de la Justice, Garde des Sceaux
- Monsieur Jean-Marie Bockel - Secrétaire d’Etat
- Monsieur Hervé Novelli - Secrétaire d’Etat
- Madame Christine Albanel - Secrétaire d’Etat au Ministère de la Culture
- Monsieur Michel Bart - Préfet de la Région Basse Normandie
- Monsieur Fernand Lerachinel - Député Européen
- Monsieur François Gosselin - Procureur de la République
- Amiral Brac de la Perrière – Président Association Normandie-Mémoire
- Monsieur Jean-François Legrand - Président du Conseil Général de la Manche
- Monsieur Marc Lefèbvre - Vice-Président du Conseil Général de la Manche
Monsieur Philippe Gosselin - Député de la Manche
- Monsieur Jean-Marc Coquio - Directeur régional des douanes de Basse-Normandie
- Général Philippe Schneider - DGGN
- Capitaine Thepaut - Commandant de compagnie Gendarmerie de Saint-Lô
- Lt. Néel – Commandant de Brigade, Gendarmerie de Carentan
- Monsieur Pierre Fauvel - Maire de Saint-Côme-du-Mont
- Monsieur Jean-Pierre Lhonneur - Maire de Carentan
- Monsieur Laurent Marvyle - FR3 télévision
- Directeurs des Musées de l’Espace Historique de Normandie


Chers collègues,

Je vous adresse ce jour copie d’un courrier envoyé à Monsieur le Préfet de la Manche afin de vous informer de fait grave pouvant porter préjudice à votre musée et ce, qu’il soit privé, étatique, associatif ou à but lucratif.

Par la présente je vous informe que nous avons été l’objet d’une visite douanière au sein du Dead Man’s Corner Museum et que les armes qui faisaient l’objet d’une autorisation de détention de la préfecture ont été saisies sans autre justification que les lois des douanes ne sont pas les lois de la Préfecture.

Je tiens tout particulièrement à attirer votre attention sur les conséquences que pourrait avoir ce précédent au sein de votre établissement. Si l’affaire reste en l’état, cela voudrait dire que demain, tout comme cela s’est déroulé chez nous, sans que vous ayez quelque chose à vous reprocher, une équipe de la douane pourrait débarquer à l’ouverture du musée, le faire fermer pour la durée qu’ils entendent, enfermer les responsables et les employés à l’intérieur du bâtiment, confisquer les téléphones portables, interdire tous contacts téléphoniques et confisquer ce qui les intéresse…

Je ne dois vous expliquer ce que représente un jour de fermeture sans avis préalable, aux yeux de vos visiteurs, de vos réservations groupes, de la crédibilité vis à vis de votre personnel et j’en passe.

Toutes nos vitrines ont été ouvertes sans que personne ne puisse contrôler ce que 8 personnes y faisaient. Des grenades inertes sans détonateur et sans explosif ont été saisies sous prétexte qu’elles contenaient des résidus de poudre. Je ne vous explique pas tout ce qui pourrait contenir des résidus de poudre dans un musée sur la guerre !!! Un très rare blindicide inerte du même type que celui qui a détruit le célèbre char du Dead Man’s Corner a été saisi sous prétexte qu’il contenait des résidus d’explosif...

L’intérêt historique, la rareté des pièces ne sont nullement pris en compte. Que vous soyez en possession d’autorisations de détentions de matériel de guerre ou pas, ne change rien. La porte est ouverte à toutes dérives, vous pourriez être nettoyé de ce qui les intéresse et ce sous couvert de l’existence d’un double pouvoir au sein de l’Etat Français. Si vous n’êtes pas coopératif, on vous menacera de détention en garde-à-vue.

Suivant les besoins, vous pourriez êtres traités comme un trafiquant d’armes, ou comme quelqu’un qui prône les idées d’un régime que la plupart d’entre-nous n’ont même pas connu, sous prétexte que vous avez une croix gammée en exposition dans votre musée.

Si aujourd’hui les douanes viennent faire leur shopping dans les vitrines des musées, demain elles viendront confisquer vos chars, vos canons, vos supports d’armes, vos radios, vos masques à gaz ou selon et ce indépendamment que les pièces appartiennent au musée ou soient prêtées par l’armée, un gouvernement étranger ou autre, puisqu’elles n’obéissent qu’à leur propre loi. Il n’y a plus rien qui pourrait les arrêter de confisquer le Tigre de Vimoutiers, ou les chars de Bayeux. C’est la porte ouverte au pillage des collections au profit d’une autorité qui s’estime investie d’un pouvoir sans limites.

D’autres procédures seraient planifiées et je ne saurais que trop vous suggérer de contacter l’autorité que vous pensez être compétente, pour ma part je pensais que c’était la préfecture, afin de l’interroger sur sa compétence en matière de délivrance d’autorisation de détention de vos objets classifiés matériels de guerre.

D’après la préfecture de la Manche, nous sommes le seul musée du département à avoir fait la demande d’autorisation de détention de matériel de guerre et au vu des événements je n’ose imaginer ce qui pourrait se passer dans un établissement qui ne détiendrait pas d’autorisation.

Il semblerait que nos matériels de guerre d’il y a 65 ans soient devenus une menace pour la sécurité de l’Etat et ne soient nullement considérés comme le patrimoine historique pour lequel des millions de visiteurs se rendent en Normandie chaque année.

Recevez chers collègues mes sincères salutations.

Michel de Trez
Directeur, Carentan Historical Center





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