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Un copier-coller entre députés

dimanche 28 novembre 2010





Il y a quelques jours, nous avions connaissance de la réponse du député des Alpes Maritimes à propos de la proposition de loi 2773, qu’il trouve très bien.

Mais dans sa rédaction, il y avait quelque chose d’interpellant : il écrivait comme s’il était le coauteur de la proposition de loi : "dans mon esprit comme (...) dans celui des autres auteurs"...

En cherchant un peu, des internautes ont reçu exactement le même texte, mais signé de Claude Bodin, le rapporteur de la proposition de loi. Le député Lucas a fait un copier-coller !

Au passage, apprécions la conclusion des deux courriers : "il convient de se garder de tout a priori" . Si seulement cela avait été le cas...

Nous avions mis un lien sur un forum présentant les deux courriers cote à cote, mais apparemment, il ne faut pas déplaire au pourvoir alors l’administrateur du site à supprimé le post !


Lettre de Lionel Lucas


Cher Monsieur,

Vous avez souhaité me faire part des remarques qu’a pu vous inspirer la rédaction originelle de la proposition de loi n° 2773 pour un contrôle des armes à feu moderne, simplifié et préventif et, en particulier, vos interrogations concernant d’une part, le certificat d’immatriculation, le délai de refroidissement et, d’autre part, la modernisation du régime applicable aux armes ainsi que sur les conséquences possibles de l’alourdissement des sanctions pénales pour ceux de nos concitoyens qui détiennent des armes dans des conditions conformes aux lois et règlements.

Si je peux comprendre les motifs de votre démarche, vous me permettrez en revanche de ne pas en partager les conclusions concernant le contenu et la portée d’un texte qui, directement inspiré des travaux de la mission d’information sur les violences par armes à feu, a recueilli le soutien du ministère de l’Intérieur.

Sans préjuger des délibérations de l’Assemblée, il me semble au contraire qu’avec l’ensemble des modifications apportées par la commission des Lois, nous sommes parvenus à un dispositif équilibré, non seulement compatible avec les obligations découlant de la directive européenne 91/477/CEE du 18 juin 1991 (dont procède notamment la classification nouvelle en quatre catégories) mais préservant également les spécificités du droit national.

À cet égard, je souhaiterais dissiper tout malentendu concernant l’emploi du terme « privilège » dont il a été fait une interprétation pour le moins excessive et infondée. Dans mon esprit - comme du reste dans celui des deux autres auteurs de la proposition de loi – ce terme n’implique nullement de réserver l’acquisition et la détention des armes à l’Ancien régime comme jadis le port de l’épée constituait l’apanage des nobles appelés à verser leur sang au service du roi. Il souligne en revanche la nature très particulière - et l’usage peu commun - de ces objets qui justifient l’établissement de conditions strictes auxquelles ne peuvent pas nécessairement satisfaire tous nos concitoyens. Du reste, vous aurez sans doute remarqué que ce mot figure dans l’exposé des motifs et, que par conséquent, il ne peut en être tiré aucune conséquence juridique puisque seul importe le dispositif de la loi. En droit, l’ensemble de ces articles fixe seul la portée des conditions d’acquisition et de détention des armes et les renvois.

C’est d’ailleurs dans le respect de ce cadre et de l’habilitation donnée par le Parlement que le pouvoir réglementaire devra édicter les mesures nécessaires à l’entrée en vigueur du nouveau régime, lequel exige des précisions que le législateur ne saurait raisonnablement apporter de manière abstraite et définitive. La technologie des armes évolue et il ne parait pas nécessairement opportun de fixer une fois pour toute le contenu des différentes catégories que la loi institue. Dans cette optique, mettre l’accent sur les conditions d’acquisition et de détention (l’autorisation, la déclaration ou la prohibition) ne me semble pas contribuer à une quelconque imprécision des termes de la loi mais favoriser davantage une application pragmatique du texte, conforme à l’évolution des impératifs de la sécurité collective et reposant sur une classification des armes rationalisée.

A cet effet, afin que ne puissent subsister des distorsions dans le classement des armes, l’article 1er de la proposition de loi encadre le pouvoir réglementaire en ce qu’il prévoit l’établissement d’un classement fondé sur l’évaluation de la dangerosité réelle et imposant des obligations proportionnées.

Par ailleurs, nous n’avons souhaité que le législateur crée des formalités inutilement contraignantes pour nos concitoyens dès lors que d’autres voies permettaient d’atteindre l’intérêt général.

Ainsi à mon initiative, la commission des Lois a, au cours de sa réunion du 3 novembre 2010, décidé la suppression des articles relatifs au certificat d’immatriculation (article 4) et à l’établissement d’un délai de latence entre la conclusion de la vente d’une arme (article .

Par ailleurs, les membres de la Commission ont voulu que le volet pénal de la proposition de loi ne conduise pas à des sanctions disproportionnées, éventuellement au détriment des chasseurs et des tireurs sportifs.

Dans cet esprit, ils ont également adopté des amendements destinés à mieux circonscrire le champ des infractions dont l’inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire interdit l’acquisition et la détention d’une arme de catégorie B et C (article 3 de la proposition de loi). Vous noterez ainsi que le texte adopté par la Commission précise le caractère intentionnel des atteintes à la vie de la personne, à son intégrité physique ou psychique ainsi que des violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours en cas de récidive ou ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois.

En outre, les modifications rédactionnelles introduites aux articles 10 à 24 et 25 à 34 constituent une garantie puisque le pouvoir d’appréciation de l’autorité judiciaire est conforté. S’agissant notamment des peines complémentaires, la formation de jugement aura en effet à se prononcer « en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ».

Les problèmes que nous abordons dans le cadre de l’examen de la proposition de loi sont à l’évidence complexes et il convient de se garder de tout a priori.

Aussi, je vous remercie de votre contribution à cette réflexion et vous prie de croire, cher Monsieur, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Lionnel LUCA
Député de la Nation
Vice-Président du Conseil Général