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Initialement paru dans la Gazette des armes n° 443 juin 2012, cet article a été remis à jour de la nouvelle règlementation.

Faut il neutraliser une arme didactique ?

mercredi 21 janvier 2015, par Jean-Jacques BUIGNE membre du CA de la FPVA


Dans toute ma vie, j’ai aussi été témoin des classements erronés d’instruments didactiques, tant par la douane que par des services judiciaires.

Aujourd’hui, la nouvelle règlementation donne une définition qui nous laisse sur notre faim. Le dossier :


La Directive Européenne

La définition donnée par la Directive Européenne [1] est d’une clarté biblique : « ...on entend par « arme à feu » toute arme à canon portative qui propulse des plombs, une balle ou un projectile par l’action d’un propulseur combustible, ou qui est conçue pour ce faire ou peut être transformée à cette fin... »

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Coupe didactique faite d’origine en usine.
Ce MAB, modèle C calibre 7,65, construit neuf porte le N° 17, le N°d’assemblage figurant sur la carcasse, la culasse et le canon est le 2.
Si les poinçons d’épreuve sont absents, il y a bien les marquages habituels de ce modèle. Cette arme n’a jamais été conçue pour le tir ! Si elle ressemble à une arme, ce n’est pourtant pas une arme.
Cela d’autant plus que chacune des parties classées (canon, culasse, carcasse, chargeur) ont été profondément altérées et ne sont pas fonctionnelles au sens de l’arme à feu.


Le texte européen va même jusqu’à définir la transformation « ...un objet est considéré comme pouvant être transformé... ... s’il revêt l’aspect d’une arme à feu, et du fait de ses caractéristiques de construction ou du matériau dans
lequel il est fabriqué, il peut être ainsi transformé. »

En résumé, il faut que l’arme tire des projectiles avec de la poudre, qu’elle ressemble à une arme et puisse fonctionner comme une arme. C’est en remplissant toutes les conditions que l’arme peut être classée dans l’une des 4 catégories. A défaut, dans quelle catégorie faudrait-il classer une arme didactique ?

La règlementation

Le Code de la Sécurité Intérieure dans sa partie législative [2] (Art L311-2) fonde le classement des armes sur "la dangerosité". Il précise : "Pour les armes à feu, la dangerosité s’apprécie en particulier en fonction des modalités de répétition du tir ainsi que du nombre de coups tirés sans qu’il soit nécessaire de procéder à un réapprovisionnement de l’arme."
La notion de calibre a été abandonnée pour classer les armes.

Mais le Code de la Sécurité Intérieure dans sa partie règlementaire [3] (Art R311-11) précise la définition : "3° Arme didactique : arme authentique sur laquelle ont été pratiquées des coupes ou des opérations permettant d’en observer les mécanismes internes, sans en modifier le fonctionnement et n’ayant pas subi le procédé de neutralisation"

Dans le même article il donne la définition de l’arme : "tout objet ou dispositif conçu ou destiné par nature à tuer, blesser, frapper, neutraliser ou à provoquer une incapacité ;"

Quant à lui, un instrument didactique est, par définition, un engin pédagogique qui a été conçu uniquement pour faire comprendre un mécanisme de fonctionnement. Les éléments coupés rendent de facto, « l’objet » impropre au tir de toute munition. Jusqu’à présent, lors des importations, la douane a classé ces “instruments pédagogiques” parmi les objets en métaux communs N° tarifaire : 8306, cloches, sonnettes, gongs et articles similaires, non électriques, en métaux communs ; statuettes et autres objets d’ornement, en métaux communs ; cadres pour photographies, gravures ou similaires, en métaux communs ; miroirs en métaux communs. En effet, il n’est pas possible de considérer ces objets scientifiques, comme des armes des 4 catégories conçues pour le tir.

Discussion

Ainsi, on peut constater que l’arme didactique ne correspond pas à la notion d’armes.
- La Directive formule que l’arme doit tirer,
- La loi précise qu’on peut la classer en fonction du nombre de coups et du procéder de réapprovisionnement,
- Le décret, dans sa définition, limite l’arme sur son aspect offensif.
- la logique permet de classer l’arme didactique comme "engin pédagogique."

La seule ambiguïté reste dans la formulation de la définition de l’arme didactique du décret :
"3° Arme didactique : arme authentique sur laquelle ont été pratiquées des coupes ou des opérations permettant d’en observer les mécanismes internes, sans en modifier le fonctionnement et n’ayant pas subi le procédé de neutralisation"
Cette formulation pourrait sous entendre que c’est une arme qui n’a pas été neutralisée. Elle reste donc dans sa catégorie d’origine.
Et puis cette définition viendrait en contradiction de la loi que ce décret est censé appliquer et de la Directive Européenne qui a fixé le cadre général.

Je gage que si un tribunal devait se pencher sur ce type d’arme, il ne pourrait que constater l’impossibilité matériel du tir, chacune des pièces ayant été dénaturée dans un but pédagogique. Ainsi les éléments classés : "canon, carcasse, culasse, système de fermeture, barillet, conversion, y compris les systèmes d’alimentation qui leur sont assimilés " sont tellement transformés qu’il est impossible de les utiliser pour compléter une arme à feu.

Notre conseil

Pour être parfaitement d’aplomb juridiquement en cas de détention d’arme didactique :
- vérifier que tous les éléments d’armes soient altérés. Il ne faut absolument pas qu’un élément d’arme puisse être réutilisé dans une arme non didactique du même type.
- souvent la culasse est intacte, afin de permettre d’étudier les fonctions de chambrage, de percussion, d’extraction et d’éjection.

Dans l’un de ces deux cas faire neutraliser l’arme.

Certains services de police

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Comme le Canada Dry, cette AK 47 ressemble à une arme, mais n’en est pas une.
C’est simplement un objet scientifique fait pour des raisons "pédagogiques".

On peut dire que lorsqu’un policier voit une « chose » qui ressemble à une arme, elle peut devenir une arme. Ainsi, récemment, un marchand d’armes s’est fait saisir par la police cinq AK 47 didactiques.

Pour être tranquille, il a décidé de faire neutraliser toutes ses armes didactiques. Il est curieux de transformer un objet qui n’est pas classé dans la règlementation des armes en une arme de la catégorie D2 §d), tout en la dégradant. Un peu comme si l’on « ouvrait » une porte déjà ouverte.

Ce pourrait être une procédure abusive. Il est vrai que ce genre de saisie « sans risque » permet d’améliorer les statistiques avec le risque de se tromper complètement de cible.

Coup de gueule !
A une époque où les voitures de police se font "caillasser" et où les fonctionnaires de police se font tirer sans sommation à l’arme automatique (et non pas "à l’arme lourde" comme le disent certains journalistes !), il faudrait que les décideurs cessent de saturer les fonctionnaires de police pour savoir si un honnête citoyen a le droit de détenir une arme découpée, si la paire d’obus de 37 neutralisés rapportée par le grand-père du Chemin des Dames a le droit de rester sur la cheminée de la maison de famille, ou si les chargeurs doivent contenir deux ou trois cartouches.

Que l’on cesse de persécuter les citoyens sans histoires et que l’on s’intéresse plutôt aux dealers en BMW stationnés à la sortie des collèges !

L’attitude des pouvoirs publics peut rappeler ces fonctionnaires de la Cour des Habsbourg qui légiféraient en 1918 sur la longueur que devait avoir la robe des jeunes filles aux bals de la cour alors que la guerre était perdue et que l’Empire s’effondrait !




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