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Gazette des armes juin 2009, n° 410
Neutralisation d’ici et d’ailleurs !
Quand le flou artistique devient la règle !
mardi 9 juin 2009, par
Il règne aujourd’hui en France une insécurité juridique encore jamais atteinte. La règle légale est que seule la neutralisation de Saint-Etienne est reconnue. Donc, les neutralisations effectuées à l’étranger sont prohibées. Mais la jurisprudence et les nouvelles règles européennes en ont décidé autrement. Pourtant des collectionneurs sont poursuivis au tribunal et des armes sont détruites.
Dernière nouvelle :
complètement légale non, tolérance oui !
- L’article de la gazette en PDF, |
- Un député s’inquiète de cette situation, |
- Notre intervention auprès du Ministre de la Défense, |
- Les certificats de neutralisation, |
- Importation des armes neutralisées dans un pays tiers à l’Europe. |
Il y a déjà 8 ans, la Gazette des armes avait publié un article : Allons-nous vers l’Euro-neutralisation ?. Dans cet article, le désordre juridique était évoqué : les armes neutralisées anciennes normes, les armes neutralisées à l’étranger, les armes neutralisées en France dont le certificat est absent.
A la lecture de celui-ci, nous constatons qu’aujourd’hui rien n’a changé, sauf que l’administration et les tribunaux se contredisent d’un courrier à l’autre et d’un jugement à l’autre. Le pigeon est bien entendu le collectionneur qui tombe souvent de haut et se retrouve inculpé de détention sans autorisation quand ce n’est pas de trafic.
La règle
Elle est simple a priori : “Armes rendues inaptes au tir de toutes munitions, quels qu’en soient le modèle et l’année de fabrication..." [1] l’organisme devant exécuter ces opérations est “le banc d’épreuve pour les armes à feu de Saint-Etienne”. C’est donc clair, seul le Banc d’épreuve est habilité à neutraliser les armes en France.
Il faut reconnaître que la neutralisation pratiquée à St-Etienne est probablement la meilleure au monde. Elle a été copiée par la Belgique. Dès 1980, elle présentait beaucoup de garanties de non réactivation, tout en conservant le maximum de l’aspect extérieur et du fonctionnement mécanique. Depuis, le procédé s’est renforcé, certains détenteurs indélicats ayant trouvé le moyen de remettre en état des armes. A gauche, intervention sur un canon de MP 40, au centre le bouchon fileté est totalement enfoncé, à droite un PM Sten en cours de démontage. |
Et l’importation ?
- Selon le pays de neutralisation, l’arme aura un plus ou moins bel aspect !
Là encore tout est prévu. Les armes sont importées dans leur catégorie d’origine avec les autorisations nécessaires, elles voyagent en transit jusqu’au Banc d’épreuve qui a un local sous douane, sont neutralisées et dédouanées après. Les textes prévoient aussi que les armes neutralisées dans un autre Etat membre de la UE sont reconnues en France à deux conditions : que “leur inaptitude soit garantie par le poinçon apposé par un organisme habilité par cet Etat” et que la “reconnaissance mutuelle du procédé de neutralisation soit publiée au Journal officiel...” (5)
Le drame est qu’il n’y a jamais eu d’accord réciproque de neutralisation. Cet article reste donc lettre morte. Cela d’autant plus qu’il prévoit “les armes importées d’un autre Etat membre... qui ont été neutralisées par un procédé non approuvé ou reconnu (réciproquement) doivent être neutralisées...”
La Cour de Cassation se prononce
Un célèbre arrêt [2] rendu il y a déjà 13 ans, a jugé que la règlementation française était inapplicable en l’état, parce qu’elle portait atteinte à la libre circulation des marchandises, prescrites par le traité de Rome.
Aussi, des armes rendues “inaptes au tir de toute munition” de façon irréversible, sont considérées comme neutralisées au sens de la règlementation française.
Ce qu’en dit l’administration
De nombreux collectionneurs, soucieux d’être en règle, ont posé la question directement au ministère de la Défense ou à l’administration des Douanes.
Le ministère répond qu’en effet la règlementation française est invalidée par la Cour de Cassation. Et qu’il faut alors produire le certificat d’un organisme agréé dans l’état ou la neutralisation a été effectuée et que la neutralisation doit porter sur les pièces essentielles de l’arme.
Mais il ajoute que “chaque Etat membre reste seul maître du niveau de sécurité qu’il juge nécessaire de fixer pour maintenir l’ordre public interne et peut contrôler les conditions dans lesquelles une arme est rendue inapte au tir de toutes munitions” et également “il peut contrôler la neutralisation, sous réserve de ne pas demander que soient réalisées à nouveau des opérations d’un niveau équivalent” à celles déjà réalisées. [3]
De leur côté, les douanes répondent que :
“l’introduction temporaire ou définitive d’armes neutralisées en Belgique est libre. Mais les autorités sont habilitées à s’assurer que les armes neutralisées... présentent des garanties équivalentes à celles du Banc d’épreuve”. Douane, [4]- “..apporter la preuve que la neutralisation de l’arme a bien été effectuée conformément aux règles en vigueur dans l’Etat membre...”. [5]
Imperturbablement des collectionneurs sont jugés en Correctionnelle
Notre attention est attirée continuellement par des collectionneurs qui se retrouvent devant un tribunal à répondre du délit de “détention d’armes soumises à autorisation” pour des armes qui ont été neutralisées dans l’UE et pour lesquelles ils possèdent des certificats de neutralisation des organismes officiels des pays.
Au cours de ces audiences, on assiste à des cafouillages monstres : des armes neutralisées et portant le poinçon de St-Etienne sont classées comme des armes non neutralisées. Il arrive même qu’elles soient détruites à la suite d’une erreur de frappe du greffier. Il arrive aussi que la restitution d’armes reconnues neutralisées par le tribunal soit refusée au collectionneur. Bonjour le droit de propriété.
Certains ont dépensé des sommes considérables en frais d’avocat tout simplement pour que les armes ne soient pas détruites par le greffe. Il est important de conserver une possibilité d’expertise qui reconnaîtra que ces armes sont “inaptes au tir”.
Souvent, ces armes ont été achetées en bourse aux armes avec la facture du vendeur qui montre bien volontiers la lettre dans laquelle les douanes lui expliquent que la neutralisation étrangère est reconnue en France.
Parfois la justice est éclairée et le tribunal reconnaît le bien fondé de la neutralisation étrangère et ordonne la restitution des armes au collectionneur [6]
A faire d’urgence
Aujourd’hui le collectionneur ne sait plus où il en est. Ce qui semble autorisé pour les uns est lourdement sanctionné pour les autres. Cela crée un malaise et il est urgent que l’administration clarifie la situation par un texte règlementaire. Même si ses courriers aux différents demandeurs sont clairement explicites, cela n’arrête pas la marche inexorable des tribunaux.
Au XXIème siècle, le collectionneur est en droit de s’attendre à une sécurité juridique sans avoir l’impression que la justice rend blancs les uns et noirs les autres au gré du hasard.
Notre association est intervenue fin avril auprès du Ministre de la Défense pour que la situation soit clarifiée par les textes règlementaires.
“Ont été rendus définitivement impropres à l’usage par une neutralisation assurant que toutes les parties essentielles de l’arme à feu ont été rendues définitivement inutilisables et impossibles à enlever, remplacer, ou modifier en vue d’une réactivation quelconque de l’arme à feu.” [7] ...les modifications apportées à une arme à feu la rendent irréversiblement inutilisable. ...la délivrance d’un document... des marques clairement visibles... des normes et techniques de neutralisation afin de veiller à ce que les armes... soient irréversiblement inutilisables.” Ces dispositions doivent être obligatoirement transposées avant le 28 juillet 2010. [8] |
[2] Cours de Cassation 19/12/96 Barbe/Butel, pourvoi n°95-83786,
[3] CGA N° 659 DEF/CGA/SIA/MD,
[4] E2, Ref 381 du 6 /5/2008,
[5] Douane Aix-en-Provence 28/3/2004,
[6] Trib Cor de Colmar 3/7/97, arrêt de la Cour d’Appel de Douai 21/4/95, arrêt de la Cour d’Appel de Douai 21/10/94.
[7] Directive 91/477/CEE modifiée annexe I, point a,
[8] Directive 2008/51/CE art 2.